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Bande dessinée / Manga: Zalem et la décharge, Gunnm

Gunnm, Yukito Kishiro
Gunnm, Yukito Kishiro. Zalem et la décharge (tome 1, page 12, édition Glénat).
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Cette vignette est tirée du manga « Gunnm », dans lequel coexistent Zalem, une ville et une société à l’image d’une utopie pour les hommes, et la décharge, qui représente au contraire la contre utopie (sombre, violente…). Ici, Zalem est la ville suspendue en haut et la décharge est en bas (la grande cité).

Premièrement, nous pouvons voir que ce panorama est organisé selon un mode de lecture en triangle. Le pilier blanc en haut en est le sommet et les câbles au milieu en sont les côtés. Enfin, la décharge est donc la base et la dernière chose à voir.

Cette organisation montre en premier Zalem, blanche et suspendue dans les cieux : on voit tout de suite que cette ville est supérieure, tant hiérarchiquement que technologiquement (ville qui  « vole »). Elle donne aussi l’impression d’être inaccessible : on ne devine qu’à peine ses bâtiments.
Plus bas, les câbles qui relient Zalem et la décharge semblent en quelque sorte emprisonner tout ce qui se trouve à l’intérieur, comme si la décharge était en cage. Ils peuvent aussi symboliser des fils de marionnettes, Zalem se jouant de la terre à sa guise. En effet, celle-ci exploite des habitants d’en bas pour qu’ils lui fournissent de quoi subvenir.

Enfin, la décharge s’étend en bas, dans la position du dominé. On ne la remarque qu’à la fin, comme si son importance était secondaire (par opposition à Zalem). On voit aussi que son diamètre est beaucoup plus grand, de manière à opposer le vaste peuple à l’élite.
Ainsi, le plan de l’image est organisé de manière hiérarchique selon une pyramide de la société telle qu’on la voit dans notre propre monde.

Au Japon, le choix du noir et blanc et avant tout économique pour la BD (manga). On peut cependant noter un contraste fort dans l’utilisation du noir et du blanc. En effet, Zalem est toute blanche et lumineuse, symbole du pouvoir, de la pureté et finalement du bonheur et de la vie. Le fait que la ville soit au dessus des nuages (donc illuminée par le soleil) renforce l’idée de lumière.
A fortiori, ce grand disque blanc immaculé devient presque divin pour ceux d’en dessous (idée déjà illustrée par les fils du marionnettiste).

De l’autre côté, la décharge est sombre, presque noire ; cela évoque évidemment la saleté (d’où le nom de la ville), mais aussi plus symboliquement le malheur, le désespoir et bien sûr la mort. De plus, on voit au fond à droite l’immense ombre projetée par Zalem, qui plonge la ville dans le noir. Cet aspect montre que la décharge est surveillée et sous le pouvoir de la ville suspendue.
Donc, le choix des couleurs renforce fortement l’opposition des deux villes déjà dégagé par l’organisation triangulaire de la vignette.

En avant des deux villes, on peut aussi observer un nuage ayant la forme d’un oiseau blanc. Cela montre que la liberté (symbole évident de l’oiseau qui vole) s’obtient en s’élevant vers Zalem, comme si la vie en bas été définitivement sans espoir. Cependant, l’oiseau est hors de la cage que forme les câbles, comme s’il représentait une lueur d’espoir en montrant la limite du pouvoir de la ville suspendue.
cependant, cette ville est elle-même contrainte par ses propres lois : elle est aussi emprisonnée à l’intérieur des câbles (en haut du triangle) et forme un espace clos. A quoi rime donc l’existence de ces deux mondes si aucun n’est finalement libre ? La réponse en lisant le manga !

Donc, cette vignette est globalement construit sur l’opposition des deux villes, voir des deux mondes : le pouvoir et la vie en haut, la mort et la faiblesse en bas.